Réflexions sur l'érotisation de la violence

C’est quoi un psychotrauma ? L’effet des violences sur le cerveau

9 mars 2019

Un psychotraumatisme, c’est un événement d’une telle violence pour une personne que son cerveau disjoncte. Pour résumer, c’est quand un évènement est tellement effrayant, bizarre, dégradant ou injuste, qu’il met la personne face à l’absurde et à la peur de l’impuissance et de la mort.
Cette incompréhension arrive plus particulièrement quand les traumatismes se produisent là où l’on aurait dû se sentir en sécurité, comme dans l’univers familial, et plus particulièrement en cas d’agressions sexuelles.

La réaction naturelle face à la peur

Quand une personne vit ou assiste à une violence, sa réaction naturelle est la peur. Normalement, quand une peur est « gérable » :

  1. La zone du cerveau qui s’appelle l’amygdale déclenche une production de cortisol et d’adrénaline, des hormones excitantes qui ont pour but de nous aider à réagir plus vite et mieux (pour courir ou se battre, par exemple).
  2. La zone du cerveau qui s’appelle l’hippocampe mobilise les souvenirs permettant de comprendre ce qui se passe, de comparer, de trouver des solutions dans les apprentissages déjà acquis, de comprendre le contexte.

La peur ingérable : sidération et dissociation

Quand la peur est trop grande ou trop incompréhensible, l’amygdale se bloque, et le cerveau se met à produire de trop grandes quantités de cortisol et d’adrénaline. Et ça, c’est dangereux pour l’organisme : ça peut déclencher tachycardie, sueurs, tremblements, difficultés à respirer, vertiges, angoisse +++, ou même un arrêt cardiaque ! Submergé par les hormones, le corps se bloque, c’est ce qu’on appelle LA SIDÉRATION. Par exemple, c’est ce qu’il se passe pour une biche lorsqu’elle se trouve coincée dans les phares d’une voiture :

Quand on est sidéré, la violence continue mais le chemin qui permet au cerveau de comprendre ce qu’il se passe est coupé : la personne victime ne fait plus de lien entre un événement et l’émotion qui devrait lui être associé. Du coup, plus d’émotions, plus de souffrance ! La victime va alors développer une impression d’étrangeté, d’irréalité, d’être spectatrice de ce qui lui arrive, de voir un film, de confusion, de dépersonnalisation : c’est ce qu’on appelle LA DISSOCIATION.

Lors de la dissociation, face à la surcharge d’hormones de stress, le cerveau déclenche une seconde vague d’hormones, qui ont cette fois-ci pour but de calmer le corps : des endorphines, et des kétamine-like.
D’un coup, la personne qui avait peur et était dans un état de très haute excitation, se sent calme et, malgré le traumatisme qui se poursuit, l’état de stress s’apaise, il n’y a plus de souffrance psychique ; les endorphines provoquent une analgésie, il n’y a plus de souffrance physique !
Quand une personne est dissociée, elle va ressentir des émotions très fortes, mais comme de très loin. Et comme le chemin entre l’amygdale et l’hippocampe est coupé, elle n’aura qu’un souvenir flou des événements, voire une totale amnésie.

Les conséquences du psychotrauma

Quand un psychotrauma n’est pas conscientisé et traité, il peut y avoir à court, moyen et long termes de multiples conséquences sur le corps et le psychisme :

  • de la somatisation : douleurs soudaines et inexpliquées, intenses maux de ventre, de dos, de tête, problèmes d’équilibres, problèmes gynécos, vertiges, tachychardie, sensations d’oppression à la poitrine, nuque bloquée etc.
  • des addictions : la prise d’alcool et de drogue se généralise pour lutter contre l’angoisse latente, et s’intensifie lors des forts moments d’angoisse
  • des conduites anxieuses : stress intense, hypervigilance (on sursaute au moindre buit, on trouve les lumières trop fortes), phobies, conduites d’évitement (on se met à éviter la foule, les transports, les sorties)
  • un Syndrome de Stress Post-Traumatique : angoisse constante, reviviscences de sensations éprouvées pendant le trauma, cauchemars, sensations d’être étrangère à soi-même, peur de devenir folle
  • des conduites dissociantes, et une addiction à la dissociation : recherche de « sensations fortes » qui ont pour but de déclencher des pics d’adrénaline, qui déclenchent à leur tour des endorphines apaisantes. Par exemple des sports extrêmes, des prises de risques diverses, des auto-mutilations, de l’anorexie-boulimie ou des pratiques sexuelles violentes. Plus une personne a régulièrement vécu des choses violentes, plus elle peut s’habituer à la dissociation, la trouver confortable, voire jouissive : en effet, pendant la dissociation, non seulement on arrête de ressentir sa souffrance, mais les endorphines nous shootent ! Le problème étant que les « shoots » d’endorphines agréables que déclenchent les violences mettent la personne en danger et ne font qu’aggraver les problèmes.

Une grande partie des textes de la section « psychotrauma » sont inspirés, ou issus, des travaux de la docteure Muriel Salmona. Vous pouvez consultez ses écrits sur son site.